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# 8 Plutôt guillemets ou italique ?

  • Photo du rédacteur: Valérie Derinck
    Valérie Derinck
  • 21 nov. 2023
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 juin 2024

Ce « petit » livre s’intitule Pour les faits. Il est écrit par une philosophe, Géraldine Muhlmann, qui a l’air de savoir de quoi elle parle, car, avant d’acheter son livre, je l’ai entendue converser dans l’une des seules émissions que je regarde à la télévision. J’ai donc acheté son livre, même si, en le prenant dans ma main pour la première fois, je n’ai pas pu m’empêcher d’être déçu par son poids plume.

Il s’agit, en effet, d’un « petit » livre d’une centaine de pages, du genre de ceux dont on aime lire quelques phrases de temps à autre, en attendant d’en digérer le contenu, certainement très dense, celui-là. Je n’ai donc pas été déçu par le contenu des premières pages. Avant de réaliser que la « chose » qui m’agaçait depuis quelque temps à la lecture de ce livre pourtant très intelligent et intéressant, c’était la profusion de mots écrits en italique et de mots et expressions écrits entre guillemets. Pas une phrase (j’exagère à peine), sans qu’il y ait l’un ou l’autre. Tellement de mots écrits en italique que, tout à coup, je n’ai plus réussi à en lire davantage et que j’ai reposé le livre sur la table avant de prendre un stylo pour écrire ces lignes.

Pourquoi tous ces mots en italique ? Est-ce que c’est pour faire plus intelligent ? Comme si tous ces mots pourtant très faciles à comprendre étaient élevés au rang de concepts. Mais sont-ce vraiment des concepts ? Et puis pourquoi tel mot est-il écrit en italique et tel autre (on dirait les mêmes !) entre guillemets ? Voici, parmi tant d’autres, une phrase où l’on retrouve les deux : « La confiance : c’est elle, fondamentalement, qui est visée dans l’interrogation, en apparence plus élaborée, de l’ “ impartialité ”. » (p.35)

Y a-t-il une différence ontologique entre l’italique et les guillemets quand on manipule des concepts ? Le concept est-il plutôt écrit en italique ?

J’ai pris le premier livre de philosophie de ma bibliothèque (Surveiller et punir, de Michel Foucault, éditions Gallimard, 1975) et l’ai feuilleté, à la recherche de mots en italique. Je n’en ai pas trouvé. Seulement des mots écrits entre guillemets. Beaucoup de guillemets. Sans m’y appesantir, je constate que Foucault les emploie chaque fois qu’il veut relativiser leur utilisation (comme s’il n’était même pas sûr lui-même que l’emploi de tel ou tel mot fût justifié ; ou que tel mot fût ou non vraiment pertinent dans tel ou tel contexte :

« les “ sciences ” humaines »). En même temps, il a l’air de les utiliser pour mettre en avant certains termes en les isolant du reste de la phrase. Par exemple dans : « […] apparaît alors la catégorie de “ l’infirmier ” ».

Mais chez Géraldine Muhlmann, difficile de faire la différence entre les deux manières que notre langue utilise pour donner du « poids » à certains mots au regard de certains autres.

« Chacun accuse l’autre de déni à propos de la part de “ réel ” qui lui importe. » (p.26) Déni serait-il un concept et « réel » un terme sujet à discussion ? Mais alors, pourquoi n’y a-t-il aucun mot/concept écrit en italique dans l’ouvrage de Michel Foucault ? Ou bien est-ce l’inverse ? « Réel » est le concept ?

Je ne sais plus quoi penser. Quoi qu’il en soit, il y a vraiment trop d’italique-guillemets dans ce « petit » livre de Géraldine Muhlmann. Mais pourquoi ai-je écrit « petit », pour la troisième fois, entre guillemets ? Ah oui, c’était peut-être pour signaler qu’il n’était pas si petit que cela.


Pour les faits, Géraldine Muhlmann, éditions Les Belles Lettres, 2023, 9,90 €



 
 
 

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